Vironsogo vous dit bonjour et vous souhaite une bonne année 2024 !
En ce début d’année, je souhaite faire un bref retour sur la COP28 et vous faire part de l’esquisse d’une idée de projet de transport collectif qui mijote dans ma tête depuis juin 2023, à la suite d’un voyage d’affaires à New York que j’ai effectué en train. Cette idée s’est concrétisée dans mon esprit lorsqu’en septembre de la même année, au retour d’un voyage à Cape Cod, alors que je circulais sur l’autoroute I-93 tout juste au nord de Boston, j’ai pu constater qu’il était dorénavant permis, aux heures de pointe, de circuler sur la voie d’accotement. Un non-sens à mes yeux !
La COP28 est désormais terminée depuis quelques semaines. Nous comprenons que les négociations entre les pays ont encore une fois été difficiles. Plusieurs groupes qui militent pour une reconnaissance non équivoque d’une sortie (« phase out ») des énergies fossiles sont déçus. Leur déception est notamment justifiée par le consensus scientifique sur cette question et la crainte, légitime, du manque de temps pour effectuer la transition énergétique requise permettant d’atteindre les objectifs de limitation de température de l’Accord de Paris. On peut facilement s’imaginer que certains états pétroliers, l’Arabie saoudite au premier chef, ont tenu la ligne dure pour éviter que la nécessité d’une sortie rapide des énergies fossiles soit reconnue. Dans le texte final des engagements, les pays ont notamment accepté de prendre des mesures qui favorisent une transition vers l’abandon des combustibles fossiles de façon juste, ordonnée et équitable. Malgré ses lacunes et ses zones grises, je crois que ce langage représente tout de même un pas significatif vers l’avant. Je partage l’avis du secrétaire général de l’ONU quand il affirme que la sortie complète des énergies fossiles est désormais inévitable.
Pendant le congé des fêtes, j’ai imaginé un jeu de rôle et les réflexions que j’aurais pu avoir si j’étais dans les souliers du chef de la direction de JPMorgan, de Goldman Sachs ou d’une autre grande institution financière américaine, tout en ayant à l’esprit les conclusions de la COP28, l’urgence climatique et l’année électorale américaine qui s’annonce. Au terme de ces réflexions, j’en serais arrivé à la conclusion qu’il est dorénavant impératif pour mon institution financière et les États-Unis d’assumer pleinement le leadership mondial de lutte au changement climatique attendu, en soutenant concrètement le mouvement prônant la sortie non équivoque des énergies fossiles.
Étant donné l’urgence climatique et le fait que, malgré l’augmentation considérable des projets d’énergie renouvelable, la sortie des énergies fossiles risque vraisemblablement d’entraîner au fil des années la raréfaction de l’offre globale d’énergie, j’en serais venu à la conclusion que les efforts et les changements requis pour faire face à cet énorme défi s’apparentent à ceux qui ont été déployés par les États-Unis au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Sur la base de ces hypothèses, du fait que le secteur des transports contribue de façon très importante aux émissions de gaz à effet de serre, et qu’il sera très difficile à court comme moyen terme de décarboner significativement le secteur du transport aérien, j’aurais imaginé l’esquisse d’un mégaprojet public-privé de transport collectif de personnes visant l’ensemble des États-Unis. Aux grands maux les grands remèdes : des efforts de guerre sont requis !
Cette esquisse de mégaprojet consiste en un développement d’un réseau de trains électriques légers à moyenne ou grande vitesse qui desservirait les principales villes américaines et leurs banlieues. Basé sur l’hypothèse qu’il serait nécessaire de réduire significativement la taille du parc automobile pour atteindre les objectifs de diminution des gaz à effet de serre et de façon à limiter les impacts sociaux et environnementaux, j’en serais venu à la conclusion que ce projet de réseau ferroviaire devrait se réaliser en empiétant sur les routes existantes. Cette façon de faire enverrait un message clair quant à la nécessité de développer de façon prioritaire et durable le transport collectif, dans un contexte d’urgence climatique et de transition énergétique qui est en cours.
Je me serais par la suite demandé comment financer un tel projet et faire en sorte qu’il soit rassembleur, viable économiquement, et qu’il contribue à accélérer la sortie des énergies fossiles. Pour ce faire, je me serais questionné sur l’identité des principales parties affectées par le projet. J’aurais identifié, en premier lieu, les manufacturiers automobiles et aéronautiques, de même que leurs sous-traitants et concessionnaires, les pétrolières, les compagnies aériennes et les services d’autobus interurbains. Comme lors de la Deuxième Guerre mondiale, alors que certaines usines de fabrication d’automobiles ont été converties en usines de fabrication d’avions de guerre dans un effort essentiel pour changer le cours des choses, je me serais imaginé que les usines de fabrication d’automobiles et d’avions pourraient être partiellement converties en usines de fabrication de matériels ferroviaires. Avec l’aval et l’intérêt des autorités gouvernementales, j’aurais alors sondé l’intérêt des dirigeants des parties visées à devenir des partenaires financiers du projet. Y investir leur donnerait un moyen additionnel d’effectuer une transition de leur capital vers un secteur porteur, en plus de gérer leur risque.
Dans le contexte de l’urgence climatique et de la transition énergétique en cours, il va de soi qu’un tel projet requiert un plan de communication mûrement réfléchi pour démontrer aux citoyens sa nécessité et ses avantages. Ce plan mettrait notamment en relief le fait que l’efficacité énergétique de l’automobile, en tenant compte de divers paramètres, est excessivement faible comparativement au train, et ce, sans compter les nombreux inconvénients et les importantes pertes financières, écologiques, sociales et sanitaires liées au trafic automobile. Dans les communications avec les citoyens, il serait probablement opportun de les sensibiliser positivement quant aux changements et aux efforts à venir requis pour lutter efficacement contre le changement climatique et favoriser la transition énergétique, écologique et sociologique en cours. Il serait sûrement approprié de souligner que les enjeux sont probablement plus grands et complexes que ceux qui prévalaient lors de la Deuxième Guerre mondiale et lors de la crise de la Covid-19.
Je me serais aussi demandé si un projet lié au transport des marchandises pourrait, selon des paramètres similaires et en faisant les adaptations requises, parallèlement et simultanément se développer. Dans le contexte de l’année électorale, comme chef de la direction d’une grande institution financière américaine, je me serais par ailleurs demandé si ce projet représentait un pari risqué, dans la mesure où plane la menace réelle d’une réélection de Donald Trump. Est-ce que la promotion de ce projet donnerait des munitions au camp Trump ou, au contraire, permettrait-elle de s’en démarquer? Est-ce qu’un tel projet contribuerait à donner un réel sens au slogan « Make America Great Again », coupant ainsi l’herbe sous le pied des trumpistes ?
Si j’étais le chef de la direction d’une grande institution financière américaine, je débuterais l’année 2024 en consacrant une bonne partie de mon temps à l’étude de la faisabilité de l’esquisse de ce projet. En cette année électorale américaine, les discussions entourant la faisabilité de ce projet contribueraient positivement aux débats qui s’annoncent polarisés et acrimonieux entre les camps républicains et démocrates. Je garderais à l’esprit que l’éventualité plausible de la réélection de Donald Trump représente une énorme menace pour l’avenir de la démocratie américaine et son économie. L’éventualité d’un retour de Donald Trump au pouvoir freinerait également l’avancement des normes et des vertus de l’ESG, sous plusieurs aspects.
Sans négliger les questions ESG touchant le Québec et le Canada, je me préoccupe aussi de la situation américaine parce que, sans une contribution massive de ce pays aux efforts requis, le changement climatique mondial ne pourra être contenu. J’ai aussi le sentiment, à tort peut-être, que les États-Unis pensent pouvoir contenir la crise climatique par le biais principalement des avancées technologiques présentes et à venir. Bien qu’essentielles à la réponse, je crois que les technologies ne pourront, à elles seules, venir à bout de la crise climatique.
Comme au Canada, les budgets consacrés au développement et à l’entretien des réseaux routiers aux États-Unis sont prépondérants en comparaison de ceux qui sont voués au transport collectif et au transport ferroviaires des marchandises. Malgré l’espoir que peut susciter la hausse du nombre de véhicules électriques sur le marché, l’expansion des réseaux routiers semble contrer les actions requises pour contenir de façon durable le changement climatique et les enjeux sociaux liés à la mobilité.
L’esquisse de ce projet imaginé pour les États-Unis pourrait également, avec les adaptations de circonstances, se déployer au Canada. Un projet de train à grande fréquence, et peut-être à grande vitesse, fait présentement l’objet d’une demande de propositions par le gouvernement fédéral pour le corridor Québec-Toronto. Souhaitons que ce projet se réalise rapidement et empiète au besoin sur certains axes routiers. D’autres corridors pourraient aussi être évalués, dont celui reliant Edmonton à Calgary et Calgary à Vancouver.
La crise climatique fait partie des grands maux de notre époque. Sans négliger les mesures de moins grande portée qui produiront leurs effets si elles sont implantées à grande échelle, je crois que nous devons appliquer de grands remèdes aux moments opportuns. En agissant ainsi, nous pourrons assainir le bilan et bonifier la reddition de comptes que nous devons aux générations futures.